Séléné, suivi de Chants de Flammes et de Deuils
Le navire va (extrait)
Un ami dauphin me raconte l’histoire d’un capitaine perdu, de sa hargne à sauver
le navire échoué, de ses batailles inutiles au creux des murs furieux. J’étais là.
J’ai vu le curaçao déborder après le cinquième verre, son sucre bousiller
l’électronique de ses mécanismes. Je regarde l’ami au fond des yeux virés, je
crève d’envie de lui dire ma propre bataille, le cap vers lequel je veux diriger ce
navire et ce qu’il faut de vent pour que ce destin s’accomplisse.
de Séléné Page 47
La symphonie des éléments – Troisième mouvement
Abricots et toi la grappe pressée
S’accrochant de tous pores à la liqueur fusante
Galériens de la noix sur la coupe d’argent
Violettes ondulantes au plan des tables
Joncs incendiaires à l’univers tressés.
Voici ma bouche de citron
Et l’œil d’orange au ciel brasillant
La fougère, la pigne et la paille
Et les morceaux d’orage pliés sous la charrue.
En équilibre sur un sourire
Je m’assieds en croquant les succulents pépins
Des premiers vents d’automne.
Quelqu’un
Peut-être, ou rien ni personne
Mais les nageoires des nuages
Cherchant leur nourriture dans les branches
des arbres.
Un bruit clair
C’est le choc de deux éperons du soleil.
Un fouillis de migrations
Au-dessus des têtes et des toits.
Des odeurs calmes de village à cinq heures
de Chants de Flammes et de Deuils Page 163
Séléné (extrait)
Peut-on écrire si l’on est heureux
Peut-on créer si l’on ne souffre plus
Si des longs jours le doux nectar
Nous rapproche à chaque instant
De ce que l’on veut ?
Peut-on être heureux si l’on est stérile
Peut-on rester vivant si l’on ne crée plus
Si du fond des cœurs noués du soir
La pensée ne crépite plus dans l’âtre,
Comme une bûche ?
de Séléné Page 53
Matrices
Inexistante de trop donner
Tes terres sont pleines d’ors et de gestes
De vies portées pour la paix.
Ta cicatrice vit et progresse
De tartines épaisses
De regard préoccupés.
Le sentier que je piétine
Est cohérent au fond à ton image
Et les pays où je m’égare
Marqueront la mesure de l’histoire
Pour exister.
Source des sources, à peine ouverte
Ou déchirée dans les créations
Ion signe s’étale enfin dans le monde
Par d’autres voies et lèvres que les tiennes
Ta présence est profonde.
de Chants de Flammes et de Deuils Page 103