Production Actuelle

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Esthétique du Chaos, l’origine du thème et mon mode d’expression

Dans une démarche artistique focalisée sur un thème et ses variantes, le projet d’explorer l’univers des paysagistes d’une façon personnelle et moderne est né d’un constat. Au début des années 2000, j’ai pu observer que les souvenirs esthétiques les plus puissants de mes voyages, et certainement les impressions les plus significatives qu’ils m’ont laissées, avaient une caractéristique commune, ils étaient tous liés à des sites fondamentalement chaotiques ou hostiles. Qu’il s’agisse de l’Andalousie et de ses pâturages brûlés, du nord de la Suède où les neiges et les glaces soulevées se mêlent à l’infini en des formes surréelles, du désert du Mohave où des rochers sablés surplombent des sycomores carbonisés, ou encore des hautes montagnes du nord du Mexique, dans la Barranca del Cobre, où de grands arbres décharnés s’accrochent dans les multiples crevasses des masses amoncelées, ces mondes ne sont ni accueillants ni romantiques.

L’idée d’un chaos aléatoire, l’impression d’une souffrance secrète révélée, émergent de ces visions, mais en même temps celle d’une singulière beauté, certes non-conventionnelle, néanmoins mentalement envahissante et fascinante. Notre notion traditionnelle de beauté est-elle vraiment adaptée pour définir ces univers particuliers? Ou de quelle sorte de beauté s’agirait-il alors dans notre esthétique collective occidentale? Et dans les autres esthétiques? Comment restituer cette réalité objective, la représenter, donner à la peinture le statut d’un instrument de mise au jour de ces formes singulièrement inaccessibles du réel, si parente des images de la fiction, des produits de notre imagination humaine?

La recherche de la réponse à ces questions est en effet le but du travail artistique que je présente ici: mettre en lumière les formes cachées de la beauté, pour dire aussi à ma manière que la recherche obstinée de la beauté où qu’elle soit peut être le but d’une vie humaine et que cette recherche ne saurait avoir une limite et qu’elle doit s’aventurer dans l’hostile, dans le laid, dans ce qui semble sombre et dramatique. Dans cette recherche esthétique particulière, il s’agit aussi de montrer la réalité sous un angle différent, de dépasser les conventions et de livrer l’idée qui en résulte, l’interprétation de l’artiste. Interprétation certes inspirée de la réalité, mais qui ne peut se satisfaire de la reproduire. Il s’agit pour moi de la decomposer pour mieux la comprendre, puis de la recomposer pour montrer avec simplicité le sens qu’elle peut avoir pour nous et rendre ce sens accessible. Attirer l’attention sur certains aspects mystérieux de notre environnement, refléter un questionnement, ouvrir à d’autres une réflexion sur les multiples facettes de nos conceptions du beau, pousser à laisser s’exprimer ce qui vibre en nous spontanément et résonne, en toute liberté et sous toutes les formes qui s’imposent. En somme être un passeur, un traducteur de ces mystères.

C’est donc au cours des premières années 2000 que ce constat et la recherche qui s’y est associée sont devenus progressivement un thème de travail en soi, une démarche structurée ; l’Esthétique du Chaos. Le thème a pris de plus en plus de place dans ma production et incorporé les éléments d’exploration plastique qui ont souvent caractérisé ma production de peintre dans le passé: la mise en scène de la lumière par un travail sur la surface et notamment par l’utilisation de pigments métalliques (cuivre, bronze, argent, or), l’agencement de textures particulières pour fabriquer de la forme et de l’espace (utilisation des mortiers), l’élaboration d’associations colorées originales dans un dessin initial de plus en plus construit et essentiellement fondé sur la ligne géométrique. Un lien avec le réel, même s’il est repensé, reste toujours présent aujourd’hui dans mes productions sur ce thème, mais essentiellement pour garder ouverte une possibilité de dialogue direct avec la personne qui regarde la toile. Il n’y a pourtant aucune intention figurative dans mes plus récentes créations. Mes toiles ne représente jamais un site particulier mais sont fabriquées à partir d’une combinaison de plusieurs sites observés qui ont fait l’objet de croquis rapides dans un carnet.

Ce travail de recomposition de la réalité est le but principal du dessin de préparation de la toile, généralement réalisé au fusain sur la toile elle-même et figé avec un fixatif, établissant ainsi le format et les formes définitives de l’Å“uvre future. Le dessin sert aussi à établir une plus grande distance avec la réalité par une géométrisation délibérée des lignes et des surfaces, tout en maintenant, voire exagérant, les règles de base de la figuration classique, principalement la perspective. La géométrie spécifique à chaque toile, de la plus simple à la plus complexe, ouvre les possibilités de travail sur la profondeur et la lumière. Le travail sur la lumière est en effet une facette importante de ces créations particulières. J’utilise les zones planes pour mettre en place des surfaces de miroir qui reflètent la lumière d’une manière particulière et modifient souvent l’impression visuelle que donne la toile en fonction de la position de la personne qui la regarde. Ce travail de surface est une étape spécifique de la création, largement influencée par l’inspiration du moment. Après cette étape, l’utilisation de mortiers ou de pigments métalliques supplémentaires est là notamment pour créer une illusion de profondeur. Cette dernière phase de travail, avant les ultimes retouches, est également en partie improvisée dans le cadre créé par les étapes précédentes du processus de travail. Le résultat final est donc une révélation partiellement imprévisible, la conséquence à la fois d’un calcul né d’une intellectualisation formelle et de l’improvisation, expression naturelle et spontanée de mon subconscient.

 

Aesthetics of Chaos, the origin of the theme and my mode of expression

In an artistic approach focused on a particular theme and its variants, the project to explore the universe of landscapers in a personal and “modern” way came from an observation. In the early 2000s, I noted that the most powerful aesthetic memories of my travels, and certainly the most meaningful impressions they left on me, have one common characteristic. They are all linked to fundamentally chaotic or hostile sites. Whether it is the sun scorched pastures of Andalusia, the windswept snow and ice of northern Sweden mingling endlessly in surreal shapes, the barren sandy rock formations of the Mojave desert overlooking charred sycamore trees, or the rugged high mountains of northern Mexico, at the Barranca del Cobre, where large, gaunt trees stretch from the multiple crevices of its heaped masses, these worlds are neither welcoming nor romantic.

The idea of a random chaos, the impression of a revealed secret suffering, emerges from these visions, but at the same time that of a singular beauty, unconventional yet nonetheless mentally invasive and fascinating. Is our traditional notion of beauty really suited to define these particular universes? Or what sort of beauty would it be in our collective Western aesthetic? And in other aesthetics? How to reproduce artistically this objective but unusual reality, represent it faithfully, to give painting the status of an instrument also meant to bring to light these inaccessible forms of beauty, so alike fictional images or products of our human imagination?

The search for the answer to these questions is indeed the aim of the artistic work I present here: to bring to light the forms of beauty hidden everywhere, in everything, to also say in my own way that the search for beauty wherever it may be can be the goal of a human life and that this search could not possibly have any limit and can venture into the hostile, into the conventionally ugly, into what seems dark and dramatic. In this particular aesthetic research, it is a matter of showing reality from a different angle and showing the resulting idea, the artist’s interpretation. Inspired by reality but not being satisfied with reproducing it, my work is about recomposing it to show with simplicity the complex meanings that it can encompass for us and to make it accessible to a large audience. To draw attention to certain mysterious aspects of our common environment, to reveal a questioning, to open to others a reflection on the multiple facets of our conceptions of the beautiful, to let what vibrates in us spontaneously express itself, in all freedom and in all the forms that are required. In short, to be a ferryman, a translator and a transmitter of these mysteries.

It was therefore during the first 2000s that this observation and the research associated with it gradually became a subject of work in itself, a structured process: The Aesthetics of Chaos. The theme took more and more place in my production and incorporated the elements of plastic exploration that had often characterized my production in the past: the use of light-catching metallic pigments (copper, bronze, silver, gold), the arrangement of particular textures to create form and space (use of mortars), the development of original color associations on a highly structured drawing, essentially based on the geometric line. A link with reality, even if it has been rethought, is still present today in my productions on this theme, but mainly to keep open the possibility of a direct dialogue with the person looking at the canvas. However, there is no figurative intention in these creations. The canvases never represent a particular site but are composed from a combination of several observed sites, which have often been the subject of quick sketches in a notebook.

This work of recomposing reality is the primary object of the canvas preparation drawing, generally done in charcoal on the canvas itself and frozen with fixative, thus fixing the final format and shapes of the future work. The drawing also prepares a greater distance from reality by a deliberate geometrization of lines and surfaces, while maintaining, even exaggerating, basic rules of classical figuration, mainly perspective. The geometry specific to each canvas, from the simple to the very complex, establishes the possibilities of working on depth and on light. The work on light is an important facet of these particular creations. I use flat areas and set up mirror surfaces that reflect light in a particular way and modify the impression the canvas gives depending on the position of the person looking at it. This surface work is a specific stage of creation, largely influenced by the inspiration of the moment. After that surface stage, the use of mortars or additional metallic pigments implemented to create an illusion of depth is also partly improvised within the framework created by the previous steps in the work process. The end result is thus a partially unpredictable revelation, the consequence of both a calculation born of formal intellectualization and of improvisations, the natural and spontaneous expressions of my subconscious.

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